…AU SERVICE DE LA PROPAGANDE DE GUERRE AMÉRICANO-UKRAINIENNE
Pourquoi acheter un journal, quand on peut acheter un journaliste ? (Bernard Tapie)
Le 30 septembre, le journal en ligne Libération, dans ses « Check News » dénonce les « fake news et affirmations non ou mal sourcées des poncifs de la droite dure et en l’absence de tout contradicteur » sur la chaîne d’info en continu CNews de Vincent Bolloré. Si Libération a raison de dénoncer « les obsessions migratoires et identitaires des participants » à l’émission phare de cette chaîne – « Face à l’info » –, ce média du milliardaire français Patrick Drahi se garde bien de dénoncer la partialité et l’information tronquée des pseudo-journalistes de BFM TV (télé Macron), dont Drahi est le principal actionnaire, LCI (télé Kiev via Washington), ou France info (télé Élysée), en particulier dans la diffusion d’informations et les commentaires sur la guerre en Ukraine. Jamais en France, la presse appartenant à ces grands groupes financiers, ainsi que les médias publics de France télévision, ne s’était donné pour mission de désinformer les Français par l’omission et la propagande, que depuis la venue au pouvoir de la Macronie. Au point de pouvoir comparer le comportement de ces médias (par l’information tronquée et partisane sur la guerre en Ukraine), au rôle joué par la presse au Brésil de Bolsonaro dans le procès truqué et la condamnation de Lula. Nombreux sont les journalistes qui ont servi la propagande de l’extrême droite brésilienne et contribuer à déshonorer et à faire condamner Lula, et qui aujourd’hui ont le mérite de reconnaître en public (dont ceux du grand quotidien El Pais Brasil), qu’ils ont informé sous l’influence de l’extrémiste Bolsonaro, sans vérifier les infos données par le pouvoir. Ces « grands médias français » jouent le même rôle de désinformation et de propagande que la presse brésilienne a joué dans le scandaleux procès de Lula.
Ces pseudo-journalistes, si discrets sur la présence chahutée par la foule à Alger de Macron, relayent avec complaisance les déclarations du président français, petit télégraphiste de Washington, en Afrique subsaharienne : « La Russie est l’une des dernières puissances impériales coloniales » en décidant « d’envahir un pays voisin pour y défendre ses intérêts » ou déclarant à la tribune de l’ONU : « Plus cette guerre dure, plus elle devient menaçante pour la paix en Europe, et celle du monde. Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février dernier est un retour à l’âge des impérialismes et des colonies. » Ces pseudo-journalistes omettent de dire qu’en Afrique, la politique néocolonialiste de Macron provoque une hostilité grandissante des populations à l’égard de la France. C’est l’armée française, qui au prix du sang de nos militaires, défend les intérêts des multinationales. N’en déplaise à la Macronie, la France en Afrique se comporte comme une puissance coloniale. Pour mémoire, l’assassinat du président Idriss Déby Itno au Tchad le 19 avril 2021, dénoncé par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, interroge aussi sur le rôle joué par la France dans cette affaire. La présence du président Macron le 23 avril aux obsèques du maréchal président défunt, aux côtés du fils adoptif Mahamat Idriss Déby, auteur dès le lendemain de la mort de son père d’un coup d’État le portant au pouvoir pour dix-huit mois, acte un soutien de fait de la France à cette prise illégitime du pouvoir. Or, la constitution tchadienne prévoit que c’est le président de l’Assemblée nationale qui doit assurer la transition jusqu’à l’organisation de nouvelles élections. L’assassinat de ce président en exercice au lendemain de sa réélection est hâtivement attribué aux rebelles du FACT, un groupe d’opposants dirigé par Mahamat Mahdi Ali, réfugié politique en France pendant plus de vingt ans et ancien militant du Parti socialiste français. En déclarant lors de la cérémonie funèbre : « La France ne laissera jamais personne remettre en cause, ne laissera jamais personne menacer, ni aujourd’hui ni demain, la stabilité et l’intégralité du Tchad », le président français donne raison aux opposants tchadiens qui l’accusent de cautionner le coup d’État, et de vouloir pérenniser, au nom des intérêts de la France, le système légué par le dictateur tchadien. Quant à la virulente déclaration à l’égard de la Russie du président français à la tribune de l’ONU : « Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février dernier est un retour à l’âge des impérialismes », Macron et les pseudo-journalistes tentent de faire nous croire que l’impérialisme est de retour, en omettant de nous dire que l’impérialisme américain sévit aux quatre coins de la planète depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ce serait trop long ici d’énumérer les actes guerriers et meurtriers des États-Unis, ainsi que les crimes commis par la CIA et les coups d’État organisés en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, et même en Europe.
Oui, Poutine a eu tort de se laisser entraîner dans ce conflit américano-russe en Ukraine, et l’invasion de ce pays par l’armée russe est condamnable. Mais Macron et ces pseudo-journalistes pro-atlantistes omettent de nous dire combien la France de Hollande et l’Allemagne de Merkel, garants des accords de Minsk, portent une lourde responsabilité dans les origines de ce conflit. La mission de tout journaliste digne de la carte de presse dont il est titulaire est de relater les faits et le contexte dans lequel un évènement se produit. Commenter sur les antennes la guerre en Ukraine sans situer historiquement l’origine du conflit est une imposture. Aussi, le rappel de faits historiques s’impose. Signé le 31 mai 1997, un traité d’amitié, de coopération et de partenariat entre l’Ukraine et la Fédération de Russie interdit à l’Ukraine et la Russie de s’envahir l’un l’autre et de se déclarer la guerre. En février 2014, « la révolution de Maïdan » orchestrée par les services secrets américains et soutenue de l’Union européenne aboutit le 22 février à la destitution du président en exercice Lanoukovytch – le lendemain de la signature d’un accord de sortie de crise avec les chefs de l’opposition –, par un vote du Parlement de 328 voix sur 450 députés, alors que l’article 111 de la constitution impose un vote de 338 voix (soit de 75 % des députés). Ce même article impose aussi l’avis du Conseil constitutionnel, dont son président et 5 de ses membres sont limogés le lendemain, avant même que le Conseil ait pu statuer. La démocratie bafouée, le coup d’État porte au pouvoir l’oligarque Petro Porochenko. Le 23 février 2014, les pro-Maïdan minoritaires dans le sud-est de l’Ukraine, notamment à Donetsk, à Louhansk et à Kharkiv s’affrontent aux anti-Maïdan. Une partie de l’Est ne reconnaît pas le nouveau pouvoir de Kiev, ainsi que certains députés du Parti des Régions. L’abrogation de la loi sur les langues régionales votée par le Parlement ukrainien retire au russe le statut de langue officielle dans 13 des 27 régions, ce qui va faire lever dans le Sud-Est où la population est majoritairement russophone, des brigades d’autodéfense, notamment à Sébastopol où se trouve une importante base navale louée par l’Ukraine à la flotte russe de la mer Noire. Le 16 mars 2014, par un référendum d’autodétermination, sur les 1 274 096 votants, 96,77 % se prononcent pour la réunification de la Crimée à la Russie et 2,51 % contre. Le 18 mars, la Russie et la République de Crimée signent un traité entérinant le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie. En avril 2014, un sondage réalisé en Crimée par l’institut américain Gallup indique que 82,8 % des habitants de Crimée jugent que les résultats du référendum sont conformes à ce que pensent la majorité des habitants. Le 16 novembre 2014, le président ukrainien signe un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. En voulant imposer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, les Américains entretiennent un climat de tension avec la Russie. Le 19 septembre 2018, Porochenko signe un décret afin de ne pas proroger le traité russo-ukrainien qui fixe le principe de partenariat stratégique, la reconnaissance de l’inviolabilité des frontières, le respect de l’intégrité territoriale et l’engagement mutuel de ne pas utiliser son territoire pour atteinte à la sécurité de l’autre. En novembre 2018, la marine russe s’empare de trois navires militaires ukrainiens dans le détroit de Kertch. Andreï Dratch, officier ukrainien sur la vedette « Nikopol », déclare que son bateau a pénétré dans les eaux territoriales de la Russie et que les Ukrainiens ont été prévenus « plusieurs fois » par les garde-côtes qu’ils devaient revenir dans les eaux internationales, confirmant la version de l’incident donnée par Moscou. Le 3 décembre 2018, le président Porochenko soumet au Parlement un projet de loi pour mettre immédiatement fin au traité de paix russo-ukrainien, et prépare la législation permettant de déclarer la guerre à la Russie avec le soutien des alliés occidentaux. C’est cette obstination des États-Unis à vouloir imposer l’extension de l’OTAN aux frontières de la Russie qui le 22 février sur LCI, fait dire à Hubert Védrine ancien ministre des Affaires étrangères de Jospin et historien, parlant « des erreurs des Occidentaux – en particulier des Américains » qui ont voulu imposer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN : « Le Poutine de 2022 est largement notre création », en précisant que « durant ses deux premiers mandats Poutine était assez ouvert à l’Europe, même demandeur » […]« l’engrenage qui s’est passé en Crimée aurait pu être arrêté ».
Le 6 juin 2014 – jour de la célébration du débarquement de Normandie –, au Château de Bénouville en France se réunissent les chefs d’État français, allemand, russe et ukrainien pour discuter de la paix en Ukraine. Cette réunion diplomatique appelée « le format Normandie » va donner le jour à un accord signé le 5 septembre 2014 par l’Ukraine, la Russie, et les républiques autoproclamées du Donetsk et du Lougansk pour mettre fin à la guerre en Ukraine orientale. Cet accord (Minsk 1) est signé en Biélorussie sous les auspices de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), Le 12 février 2015 à Minsk les présidents, russe, français, allemand et ukrainien signent un accord de cessez-le-feu. Ce second accord (Minsk 2) est aussi appelé « Ensemble de mesures pour l’application des accords de Minsk ». Ces accords n’ont jamais été respectés. Depuis 2014, cette guerre civile au Donbass a fait 13 000 morts, 30 000 blessés et des milliers de réfugiés. L’armée de Kiev, équipée par les États-Unis en avions, hélicoptères, drones, et missiles antichar Javelin a largement participé à ce bilan de victimes de guerre, en bombardant notamment les populations civiles, sans que cela émeuve Paris et Berlin – aujourd’hui donneurs de leçon – pourtant parties prenantes de ces accords. Jean de Gliniasty, expert à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), et ex-ambassadeur de France à Moscou déclare à l’AFP : « Le principal problème réside dans le fait que ce format est paralysé depuis huit ans parce que les Ukrainiens n’en veulent pas » (TV5 MONDE du 8 février 2022). Hollande et Merkel, avec la complicité de l’Union européenne, et sous pression des États-Unis, ont volontairement enterré les accords de Minsk – seule issue diplomatique à la guerre – qui prévoyaient :
- D’assurer un cessez-le-feu bilatéral immédiat ;
- D’assurer la surveillance et la vérification du cessez-le-feu par l’OSCE ;
- D’organiser une décentralisation des pouvoirs, par la mise en application d’une loi ukrainienne (loi sur le statut particulier), accordant de manière temporaire l’autonomie locale dans les oblasts de Donetsk et de Lougansk ;
- D’assurer une surveillance permanente de la frontière russo-ukrainienne par l’OSCE et instaurer une zone de sécurité à cette même frontière ;
- De libérer immédiatement tous les otages et les personnes retenues illégalement ;
- D’adopter une loi ukrainienne visant à interdire les poursuites et les sanctions contre toutes les personnes impliquées dans la guerre du Donbass ;
- De poursuivre un dialogue national entre les parties ;
- De mettre en œuvre des mesures afin d’améliorer la situation humanitaire dans le Donbass ;
- De procéder à des élections anticipées dans les oblasts de Donetsk et de Lougansk ;
- De procéder au retrait du territoire ukrainien des formations armées et du matériel militaire illicites, ainsi que des combattants irréguliers et des mercenaires ;
- De mettre en place un programme économique pour favoriser la reprise des activités et de l’économie locale dans le Donbass ;
- D’assurer la protection personnelle des participants aux consultations.
Sous la pression des États-Unis et la complicité de l’Union européenne, dans la perspective d’une solution militaire pour soumettre le Donbass au pouvoir de Kiev et d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN, l’Occident a créé les conditions de l’intervention militaire russe. Que cette intervention soit inacceptable est une évidence. De même que l’objectif de l’impérialisme américain d’encercler militairement la Russie par son bras armé en Europe (l’OTAN) est inacceptable. Des mois durant, dans leur propagande pro-américaine, ces pseudo-journalistes au service des oligarchies financières outre-Atlantique qui se gavent des profits qu’elles tirent de cette guerre – notamment par la colonisation économique de l’Europe –, se sont évertués à présenter l’autocrate Poutine comme malade d’un cancer, ou comme un psychopathe. Cette propagande indigne de la mission que confère la carte de presse à tout journaliste, rappelle celle qui attribue la deuxième guerre mondiale à l’action d’un fou. Hitler n’était pas plus fou que ne le sont Poutine ou Biden. Le dictateur n’a fait que mettre l’idéologie fasciste, dans un contexte de crise sociale et économique mondiale, au service des multinationales et des intérêts d’une Allemagne impérialiste. La deuxième guerre mondiale, comme toute guerre, n’a été que les conséquences de la crise du capitalisme. Comme l’est le conflit russo-ukrainien dans un contexte de crise provoquée par une économie mondialisée, la surexploitation des ressources de la planète, l’anarchie dans la production des biens de consommation et les contradictions d’un capitalisme à bout de souffle. Les guerres sont toutes économiques avant de se terminer par des conflits armés, destructeurs pour les populations, mais réparateurs pour les puissances de l’argent. La guerre à laquelle se livrent aujourd’hui les États-Unis et la Russie par Ukrainiens interposés, n’est que le prélude à une guerre généralisée. Un conflit mondial aux conséquences imprévisibles dans lequel la Chine et la Russie disputeront à l’impérialisme américain, par les armes, le contrôle des marchés de l’énergie (gaz, pétrole, nucléaire) et du commerce des marchandises. L’escalade dans les sanctions économiques infligées à la Russie par un Occident miné par une crise de civilisation qu’il a lui-même généré, et une crise sociale et économique mondiale avec pour conséquence la paupérisation des populations, s’inscrit dans cette logique. Comme le proclamait Jaurès : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »
Un texte de Léo Mira, écrivain et photographe. Auteur de « Moi Président… L’imposture »