Officiellement suivant les règles établies par les traités de l’UE : » le processus d’élargissement nécessite de la part des pays candidats de mettre en œuvre des réformes fondamentales dans de nombreux domaines, tels que l’état de droit, l’économie, le fonctionnement des institutions démocratiques, ainsi que de l’administration publique, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée« .
Et pourtant si l’on en croit la Cour des Comptes Européenne …
L’Ukraine est minée par la corruption, notamment la grande corruption, depuis de nombreuses années. L’UE soutient plusieurs réformes qui visent à lutter contre ce fléau et à renforcer l’état de droit dans ce pays.
II – Bien que les documents clés de l’UE mentionnent la lutte contre la corruption, ils ne font pas spécifiquement référence à la grande corruption. La «grande corruption» est définie comme un abus de pouvoir de haut niveau, qui profite à quelques-uns et cause des préjudices graves et de grande ampleur aux individus et à la société. Les oligarques et les intérêts particuliers sont à l’origine de ce type de corruption. La grande corruption et la «captation de l’État» entravent la concurrence et la croissance, et nuisent au processus démocratique.
III – La prévention et la lutte contre la corruption en Ukraine figurent parmi les objectifs visés par l’aide de l’UE dans ce pays. La Commission et la mission de conseil de l’Union européenne en Ukraine ont soutenu le renforcement des capacités des institutions engagées dans la promotion de l’état de droit, notamment celles créées récemment pour lutter contre la corruption. Nous avons axé notre audit sur la grande corruption car elle constitue le principal obstacle à l’état de droit et au développement économique de l’Ukraine. Nous avons contrôlé si le Service européen pour l’action extérieure et la Commission ont évalué efficacement la situation spécifique de l’Ukraine en ce qui concerne la grande corruption et s’ils ont pris les mesures nécessaires pour y soutenir les réformes. Nous avons centré notre attention sur les contributions de l’UE à la réforme du système judiciaire et à celles destinées à lutter contre la corruption au cours de la période de mise en œuvre 2016-2019.
IV – Le Service européen pour l’action extérieure et la Commission ont considéré la corruption comme une priorité transversale et ont acheminé les fonds et orienté les efforts vers divers secteurs. Globalement, nous avons constaté que cette approche n’était pas suffisamment axée sur la grande corruption. L’UE a contribué à diminuer les possibilités de corruption, mais la grande corruption reste un problème majeur en Ukraine. La réforme du système judiciaire connaît des revers, les institutions chargées de lutter contre la corruption sont fragiles, la confiance dans celles-ci reste faible et le nombre de condamnations pour des faits de grande corruption est peu élevé. Bien que le Service européen pour l’action extérieure et la Commission aient considéré la réduction de la corruption comme une question transversale, ils n’ont pas conçu ni mis en œuvre de stratégie spécifique pour s’attaquer à la grande corruption. Les projets auxquels nous nous sommes intéressés n’étaient pas centrés exclusivement sur la lutte contre la grande corruption, mais la moitié d’entre eux comportaient des activités qui traitaient indirectement ce problème.
V – Le soutien apporté par la Commission en faveur de projets de la société civile et du journalisme indépendant répondait à une ligne de conduite pertinente et a aidé non seulement à assurer la transparence, mais aussi à révéler des pratiques de corruption.
VI – La Commission a soutenu les activités du Comité antimonopole d’Ukraine et les réformes de la gouvernance des entreprises publiques, mais la priorité au départ était l’alignement de la législation ukrainienne sur les normes et principes de l’UE plutôt que l’application du droit de la concurrence.
VII – La Commission et la mission de conseil de l’Union européenne en Ukraine ont intensivement appuyé la réforme du système judiciaire. Cependant, l’intégrité d’un nombre élevé de juges, de procureurs et de membres des organes d’administration judiciaire n’a encore fait l’objet d’aucun contrôle. La Commission a aussi soutenu la création et le développement d’institutions spécialement dédiées à la lutte contre la corruption. Cependant, nous avons constaté que l’environnement actuel en Ukraine met en péril la viabilité de ces institutions, étant donné qu’elles reposent toujours sur une justice, des services chargés des poursuites judiciaires et des services répressifs qui ne sont pas encore réformés.
VIII – Les projets de l’UE ont aussi contribué à la conception d’outils numériques destinés à prévenir la corruption, mais plusieurs d’entre eux nécessitaient davantage d’engagement de la part des autorités nationales. L’absence actuelle de bases de données fiables diminue notoirement l’efficience de ces outils en matière de contrôles croisés et de transparence. Les projets de l’UE traitent ces questions.
IX – La coordination entre les conditions imposées par l’UE et celles établies par d’autres donateurs a joué un rôle dans les modifications apportées à la Constitution de l’Ukraine, dans le renforcement du cadre juridique, ainsi que dans la mise en place d’institutions. La Commission aurait toutefois pu recourir davantage à l’imposition de conditions pour soutenir les réformes dans le secteur de la justice.
X – L’UE dispose d’un système pour suivre et évaluer ses projets. Pour la moitié des projets audités, il s’avère néanmoins difficile d’apprécier dans quelle mesure ils ont contribué à la lutte contre les différents types de corruption, étant donné que les effets ne sont pas mesurables (en raison de l’absence de valeurs de référence, de valeurs cibles et d’indicateurs pertinents) et portent sur des réalisations et des activités.
XI – Sur la base de ces conclusions, nous recommandons au Service européen pour l’action extérieure, à la mission de conseil de l’Union européenne en Ukraine et à la Commission:
– de concevoir et de mettre en œuvre des actions qui ciblent spécifiquement la grande corruption;
– d’évaluer et d’ajuster l’ampleur du soutien qu’ils apportent aux organisations de la société civile et au journalisme d’investigation;
– de contribuer à la suppression des obstacles à une concurrence libre et loyale; o d’améliorer le suivi et l’établissement de rapports, afin d’informer et de prendre
des mesures correctrices au besoin;
– d’insister sur l’intégrité et sur l’engagement en faveur des réformes lorsqu’ils soutiennent le renforcement des capacités;
– de soutenir la numérisation des registres;
– de durcir les conditions d’octroi de l’aide de la Commission.