Education nationale

Rendre à l’éducation nationale son rôle : l’instruction publique

L’ Autorité : pierre d’angle

L’éducation a besoin d’autorité . 

Que les scientifiques débattent d’hypothèses, c’est moyen d’avancer ; les ingénieurs, de projets différents, c’est découvrir les aléas possibles et leur résolution ; les politiques, de voies autres pour la cité, cela démontre la démocratie. 

Mais que les élèves discutent l’enseignement, c’est à rebours de l’ordre naturel. L’ expérimenté enseigne au novice, l’âgé, au jeune, le plus savant, au moins savant . Que les élèves soient encouragés à questionner, voilà rien que de très louable : il ne sert jamais de s’endormir sur un doute ou une interrogation. Mais qu’ils soient autorisés à mettre en doute la totalité d’un enseignement, à remettre en cause la civilisation impliquée dans un enseignement : voilà qui ne saurait être la base d’un enseignement formateur pour l’esprit, et structurant pour la personnalité. 

Il est naturel que le disciple souhaite dépasser son maître, prouvant ainsi que l’enseignement a rempli son rôle ; tant qu’il n’a pas atteint le maître, il écoute celui dont le savoir, l’expérience, et la pédagogie, gagent un apprentissage positif. 

Il est vain pour l’élève de remettre en cause l’Histoire, les Sciences, la Philosophie, les Lettres, au motif que les idées des disciples valent bien celles du maître. Ces disciplines sorties des fondements de notre culture, polies par des siècles d’échanges, ont une valeur intrinsèque qu’aucun esprit balbutiant ne saurait contester. 

Ni qu’aucun maître , laisser contester …

Vous direz : 40 % des « étatsuniens » refusent les découvertes de l’Evolution ; je peux donc imaginer que la même proportion des enseignants américains prêchent la même ânerie ; il n’en est pas moins vrai que l’Evolution est un fait ; on peut discuter de ses moteurs, hésiter entre Darwin et Lamarck, on peut, avec les modernes, avancer que l’homo sapiens n’est pas né seulement dans les savanes est-africaines mais simultanément dans les forêts humides de l’Afrique Centrale : discussion de savants. Mais avant de l’être il faut s’accepter disciple, se former l’esprit avec des vérités non pas révélées, mais édifiées petit à petit au cours du long trajet de la science. Que 40 % des « étatsuniens » croient une erreur sous des prétextes religieux, n’effacera pas cette erreur. S’ils avaient cru non pas une religion littéraliste, mais des maitres bien formés à la Science, ils n’en seraient pas là. Le disciple doit suivre son maître, et ne commencer à le discuter que lorsqu’il lui arrive à l’épaule. L’autorité du maître n’est pas qu’un garde-fou, c’est un guide. 

Je n’ignore pas que certains maîtres ne méritent pas l’autorité qui leur est dévolue. C’est à l’autorité supérieure, l’Etat, de vérifier que le maître mérite sa fonction. Le rôle des supérieurs est justement, au nom de l’Etat, de le vérifier. Au besoin, des voies de recours existent, qui permettent à un maître se sentant injustement jugé de demander un contre-contrôle qui ouvrirait le débat et permettrait une plus juste évaluation. Quoi qu’il en soit, en aucun cas le maître ne peut être jugé par son disciple, car l’autorité va dans un seul sens.

Le maître est jugé par ses supérieurs. Rien ne justifie qu’il le soit par ses élèves. 

Il n’est pas non plus du ressort du disciple de juger de l’opportunité de telle ou telle partie de l’enseignement. C’est à ceux qui décident des buts de l’Instruction Publique de dire comment, et par quelles voies, on formera les citoyens de demain. Mettre en cause l’enseignement de telle discipline – par exemple les sciences naturelles – n’appartient pas aux élèves, ni aux familles ! 

Les disciplines et leur contenu sont définis par l’autorité de l’Etat sous la forme des instances supérieures du Ministère, à charge pour l’Etat d’expliquer clairement les buts poursuivis, et les raisons de tel enseignement : tout doit être réalisé dans la clarté. Mais si chaque citoyen, à plus forte raison chaque citoyen en herbe, met son grain de sel dans le tracé des autoroutes de la pensée, il y a peu de chances que ces voies arrivent jamais nulle part. L’autorité qui préside au contenu des programmes scolaires appartient aux représentants élus de la démocratie, qui dit quelle école elle veut, et dans quels buts. Les citoyens ont un moyen de donner leur avis : le vote , non pas la contestation des maîtres . 

Dans cette perspective, avoir instauré des représentants d’élèves dans les Conseils d’Administration des Lycées et Collèges est une absurdité : on ne demande pas leur avis aux passagers d’un avion , quant au pilotage ! On confie ce pilotage à des personnes qualifiées, on vérifie régulièrement leurs aptitudes, et basta ! Idem pour les établissements scolaires : la présence des élèves dans les Conseils d’Administration est une parodie démagogique, les élèves n’ayant aucune compétence pour juger du fonctionnement et des orientations d’un établissement ; c’est démagogie que leur donner cette illusion. Pire : c’est leur donner une fausse idée de la démocratie, qui consulte l’avis des citoyens majeurs, c’est-à-dire responsables de leurs actes.

Vous me direz : un tiers de l’humanité croit, suivant un dogme religieux, que la terre est plate, c’est enseigné dans la plupart des pays suivant ce dogme ? Grand bien leur fasse ! L’enseignement d’un pays démocratique doit se fonder sur la science et la recherche, non sur un dogme religieux. Or la science, c’est l’affaire des savants, pas des croyants ni des politiques : on le sait depuis Socrate ou Galilée ! Pascal aurait parlé de la différence entre les « ordres », l’autorité d’un ordre ( la religion ) ne peut s’appliquer à un autre ( la science ). 

L’autorité doit être rétablie dans un autre domaine : celui de la discipline . 

Je parlerai d’abord de celle des élèves . 

L’ ordre est la condition d’un apprentissage efficace. Dans un atelier, l’apprenti apprend d’abord à respecter des règles pour garantir la sécurité de chacun. Puis il apprend à utiliser tel outil, en découvre les limites, les fragilités, les richesses. Il écoute son maître d’apprentissage, en plus de la réalité qui lui montre vite le prix d’un non-respect des règles. Le réel est un maître exigeant ! 

Dans une école, c’est un peu différent. La discipline générale, qui autorise la vie en communauté, n’ est souvent affaire que de simple bon sens. Un exemple trivial : se mettre en rangs pour entrer en classe évite les embouteillages dans les couloirs, les bousculades dans les escaliers, les irruptions dans des salles non-surveillées, etc… Les élèves en rangs ne sont pas un bétail qu’on canalise, mais des petits-d’hommes qui doivent apprendre à se maîtriser, pour n’être pas un troupeau. Et puis, se mettre en rangs, c’est déjà une façon de se calmer, de se préparer à l’enseignement et à l’attention. 

On pourrait ainsi rappeler que tous les aspects régulateurs, parfois apparemment autoritaires, des épisodes de la vie d’une communauté scolaire, se justifient par le bon sens et la sécurité de chacun. 

Et la discipline, une fois la porte de la classe refermée sur le maître et ses élèves, devient un ingrédient indispensable à l’apprentissage. Savoir se taire, c’est savoir écouter. Ne pas interrompre son voisin, c’est respecter chacun. Ne pas se moquer d’un camarade, ne pas interrompre le maître, se tenir correctement : tout cela, qui parait à certains désuet et autoritaire, est la base de l’éducation : on a dépassé le niveau de la seule instruction, on est désormais dans la formation de l’esprit et du comportement du futur citoyen. Comment un élève qui crie à tue-tête, chante, rit, insulte, se déplace sans raison, bref, qui empoisonne la vie du maître et de ses condisciples pourra-t-il, devenu adulte, conduire correctement sa voiture, en respectant les autres usagers? L’autorité du maître, traduite dans les règles de la discipline, est la condition sine qua non d’un enseignement efficace. 

Et puis, malheureusement, lorsque la discipline ( dans l’établissement ou dans la classe ) est enfreinte, il faut se résoudre à la sanction – comme dans toute société humaine et même dans toute société en général : on vient de découvrir qu’il existe des groupes de singes dans lesquels certains individus jouent le rôle de policiers pour calmer les conflits. Contester la sanction, c’est mettre en cause la totalité de l’ordre du groupe. De la part des adultes, laisser passer un manquement à la discipline sans le sanctionner (de façon proportionnée, s’entend, tout est question de tact et de bon sens) , c’est laisser mettre en cause l’ordre général, celui qui permet à une société de ne plus être une horde de primitifs. L’autorité doit être humaine et attentive, elle ne peut être un « effort », ou une « tendance » : elle doit toujours être sensible, et pratique . 

Elle est une obligation, jamais une option. 

Passons à l’autorité reconnue par le maître  à ses supérieurs : vaste programme … qui sera une histoire pour la semaine prochaine …

Alain (Finistère) Proviseur Honoraire

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